Après plus d’un an de rebondissements d’une campagne électorale hors norme, nous assistons depuis 72h à une avalanche de papiers, d’émissions de radio ou de télévision tentant d’expliquer de quelle boîte malicieuse sort le Président Emmanuel Macron. Apparent novice en politique et jamais élu, il vient de « faire tapis » au nez et à la barbe des politiques les plus aguerris ! Il devient ainsi, à 39 ans, le plus jeune Président élu de la République Française.
Les états-majors de droite comme de gauche se demandent comment ce « trublion » leur a brûlé la politesse pour la présidentielle. Certes, il semble avoir largement bénéficié « d’un alignement des planètes » particulièrement favorable, notamment le « dégagisme » des ténors de la droite puis de la gauche, ensuite le « Pénélope Gate » et son emballement médiatique qui ont empêché de vraiment parler des programmes des candidats. Mais il a commencé par avoir l’audace de tenter sa chance en lançant son parti le 10 avril 2016 en cassant les codes établis. Finalement, est-ce un feu follet ou bien a-t-il l’étoffe des plus grands ? Alors, qui est-il vraiment ? Non pas son parcours académique, professionnel ou personnel, tous les curieux l’ont déjà qwantisé ou googlisé, mais comment pense-t-il intérieurement pour être arrivé au zénith en partant de presque rien il y a à peine plus d’un an ? Quels sont ses talents que ses adversaires semblent avoir sous-estimés ?
D’abord, le mode de pensée dominant d’Emmanuel Macron est celui d’un rationnel intuitif, plus précisément « un réformateur à vision stratégique ». En cela il ressemble à trois de ses prédécesseurs de la cinquième République, à savoir Charles de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy. Même s’ils appartiennent à la même typologie de mentalités, ils n’ont pas du tout le même référentiel détaillé de valeurs, ce qui engendre de fortes disparités comportementales entre eux.
Ensuite, Emmanuel Macron est plutôt de type extraverti, c’est-à-dire qu’il tourne facilement son énergie psychique vers les autres et les relations qu’il entretient avec le monde extérieur sur lesquels il tend à rebondir en fonction des événements. Il devient alors souvent très proactif au sens anglosaxon du terme.
Enfin, sur un troisième niveau et c’est probablement là que réside son premier véritable « Talent », c’est un homme qui a un champ de conscience singulièrement large. En toutes situations, aussi tendues soient-elles, il cherche à en voir le côté positif et transforme l’éventuel problème ou difficulté en opportunité pour tous. Du coup, il devient particulièrement adaptable et souple afin de trouver une solution qui satisfasse toutes les parties. Sa proactivité devient donc une co-construction active et positive, si tant est que son interlocuteur ne soit pas de mauvaise foi manifeste. Cette faculté semble spécialement rare dans le monde politique. Sur un plateau de télévision, Emmanuel Macron a récemment été traité de « caméléon » donnant l’impression d’être le miroir de ses interlocuteurs. Il semble plutôt qu’il ait une grande plasticité cérébrale qui lui confère une agilité hors norme. C’est comme s’il avait fait sienne la devise de Nelson Mandela : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ! ». Cette faculté d’adaptation et de souplesse est rare surtout chez un sujet de moins de quarante ans. Cette aptitude ne l’empêche pas pour autant de savoir trancher dans le vif lorsque cela est nécessaire ou de s’opposer. D’autres y verront une forme d’arrogance. Voilà pour la vue d’ensemble.
Attachons-nous maintenant à regarder un peu plus en détail les modes de pensée d’Emmanuel Macron. Monsieur Macron a une fulgurance intellectuelle qui lui vient de deux dimensions qui se renforcent l’une l’autre. D’une part, il possède des capacités intuitives lui permettant de voir avant les autres les tendances encore floues, d’être très curieux sur tout et très imaginatif, d’être particulièrement audacieux sans se préoccuper des difficultés ou des obstacles, de croire en ses rêves les plus fous car il n’envisage pas l’échec. Il croit en lui, en sa vision. D’autre part, il peut compter sur des capacités rationnelles construites sur une volonté et une détermination de fer, sur une rapidité d’analyse inhabituelle qui lui fait voir très vite les failles d’un raisonnement, sur une grande fermeté sans tomber dans l’autoritarisme et sur une solide rigueur morale que rien ne saurait détourner, car il est fondamentalement épris de justesse et de justice, tout en n’étant pas moralisateur. D’autres lui reprochent de ne pas assez écouter ses interlocuteurs : en fait il semble deviner le plus souvent où ils veulent en venir. Si cela ne correspond pas à sa vision, il est parfaitement capable de revoir sa position car il se donne le droit à l’erreur, même s’il lui en coûte parfois. Quand quelqu’un est en opposition avec lui, on peut lui reprocher son manque d’écoute apparent. Il peut écouter et ne pas vouloir entendre. Cela dépend de sa finalité.
Ses adversaires ont souvent raillé son expression « et en même temps ». Ce n’est pas étonnant puisque pour eux c’est presque mission impossible car ils ont souvent beaucoup de difficultés à faire cohabiter leur système stable (pour Monsieur Macron Rationalité et Intuition) et leur système instable (pour Monsieur Macron Sens du Réel et Affects), pourtant pour lui, cela semble totalement naturel et c’est une capacité d’individuation parfaitement inhabituelle. C’est son deuxième « Talent » ! Ses mécanismes de pensée s’ordonnent en parfaites alliances alors que la plupart des gens ont à gérer des contradictions plus ou moins compliquées, voire complexes. En effet, comme Charles de Gaulle, il a cette capacité en dehors du commun de pouvoir fonctionner presque aussi bien sur les quatre registres de la pensée humaine, en passant très vite de l’un à l’autre en complémentarité et non pas en opposition, que sont le sens du réel et l’intuition d’un côté et à la fois d’utiliser tantôt sa raison, tantôt son cœur avec un total discernement suivant les situations, en pleine conscience de sa justesse. Il peut réaliser cette prouesse car le plus souvent il semble totalement relâché, ce qui lui permet d’accéder à son subconscient beaucoup plus rapide que la conscience pour apporter la bonne réponse. Pourquoi y arrive-t-il si bien ? Probablement grâce à son champ de conscience particulièrement ouvert évoqué ci-avant. Il y a fort à parier qu’il entretient cette faculté par des techniques méditatives ou introspectives.
Emmanuel Macron l’intuitif est aussi très réaliste et attaché à des solutions pratiques. Il veille le plus souvent à l’exécution de ce qui a été décidé. Il est capable de réaliser les choses et a une très grande capacité de travail. Il va au bout de ce qu’il entreprend, avec une ténacité hors pair. Il semble ne rien lâcher jusqu’à la dernière minute. Comme tout homme politique, il a un très bon sens des opportunités qui flirte plus souvent qu’il n’y parait avec l’opportunisme pour arriver à ses fins. L’une des valeurs avec laquelle il se sent probablement le moins à l’aise est sans doute le conservatisme, père de trop de blocages et de visions passéistes à son goût. Ce sera probablement une difficulté dans les négociations à venir avec les Corps constitués de l’Etat.
Emmanuel Macron le rationnel est aussi une personne très touchée par ses affects tout en ne les montrant qu’à ses proches. Il n’a besoin de personne comme le dit son épouse Brigitte. Il a une très grande aisance sociale parfaitement spontanée et pleine de tact, il est sensible, ce qui lui amène une grande délicatesse et grande capacité empathique sans se laisser envahir par ses ressentis. Il aime les défis et les challenges et sait influencer les autres en leur suggérant de passer à l’action tout en positivant, même quand ça ne va pas. Si nécessaire il recadre et repart de l’avant. Là où beaucoup de politiques s’invectivent de façon souvent stérile, lui cherche à respecter ses adversaires et semble généralement profondément animé d’une grande bienveillance envers ses interlocuteurs. Même s’il n’est pas naïf, il sait rendre les coups si nécessaire. Enfin il a une confiance quasi inébranlable en lui et en ses capacités. Il doute rarement.
Finalement, Emmanuel Macron est un startuper et un entrepreneur qui, à partir d’un constat de blocages, s’est construit une vision pour renverser la donne politique existante. Il semble avoir uberisé les partis politiques, mais il est loin d’avoir « tué » la concurrence. Il a pris de gros risques personnels, a fait adhérer des followers au principe « ni droite, ni gauche » et l’a transformé en « humanisme de gauche et en même temps rigueur économique de droite ». Puis il a planifié avec ses équipes un déroulement de campagne et l’a mis à exécution avec le résultat que l’on sait. Bref il a suivi les modes opératoires de tout cerveau humain, vision – adhésion – planification – exécution, en entraînant ses équipes avec lui. Il vient de renommer son mouvement « La République En Marche ». Maintenant, saura-t-il continuer à faire sien le proverbe africain : « Si tu veux aller vite, marche seul ; mais si tu veux aller loin, marchons ensemble » ?