Dans le monde de l’entreprise, il semble qu’une très grande confusion règne toujours dans les esprits des DRH entre les mots « Compétences » et « Talents ».
A propos de l’acronyme « DRH », Direction des Ressources Humaines, nous devrions aujourd’hui plutôt parler de Direction des Richesses Humaines (ou mieux encore de CHO – Chief Happiness Officer). Le premier acronyme semble davantage désigner l’exploitation d’un capital à la disposition des organisations dans un monde encore Taylorien et pyramidal, le deuxième traite d’une richesse en devenir, de l’être humain à la disposition d’autres êtres humains pour accomplir un projet collectif qui a du sens.
Nous devrions aujourd’hui plutôt parler de Direction des Richesses Humaines
Mais les habitudes dans les entreprises ont souvent la vie dure et le changement des mentalités se fait plutôt au rythme de la tortue que du lièvre ! Cependant les entreprises ne sont pas les seules à faire cet amalgame, les Universités et les Business Schools, à travers leurs articles ou livres de management, ont certainement aussi leurs lots de responsabilités. En effet, il peut être bien commode d’entretenir cette confusion…
Revenons d’abord aux fondamentaux linguistiques pour étoffer notre propos et visitons quelques dictionnaires réputés pour nous éclairer.
Le mot compétence vient du latin « competentia » qui aujourd’hui en langage courant dans l’entreprise signifie : connaissance approfondie qui confère le droit de juger ou de décider en certaines matières. En d’autres termes, la compétence est une connaissance approfondie tirée de l’apprentissage (savoirs) et de l’expérience (savoir-faire et savoir-être) nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle.
Le mot talent, lui, vient du grec « talanton » et du latin « talentum », qui signifiait poids, inclinations, aptitudes, avantages, dons naturels. C’était aussi une monnaie de compte dans la Grèce antique qui est notamment illustrée dans la fameuse « Parabole des talents ». L’histoire de cette allégorie raconte que celui qui fait fructifier ses talents est favorisé alors que celui qui les enfouit et les cache n’obtient rien.
Aujourd’hui, le mot talent décrit les inclinations, les dons, les aptitudes remarquables qu’une personne possède naturellement. Nous pouvons alors parler d’un talent inné. Cependant si ce dernier n’est pas cultivé, il ne permettra jamais d’atteindre l’exceptionnel, voire le génie. La nature a doté chaque être humain qui peuple cette planète de dons particuliers pour réussir sa vie terrestre. Mais combien de temps chacun d’entre nous met-il à les découvrir ?
Si ce dernier n’est pas cultivé, il ne permettra jamais d’atteindre l’exceptionnel, voir le génie
La « Compétence » s’acquiert en étudiant avec sa dimension intellectuelle et cognitive, en travaillant (souvent durement avec sa conscience) et en étant confronté aux réalités de l’exercice d’un métier. Le « Talent », lui, est une prédisposition qu’il est nécessaire d’identifier et de perfectionner pour la développer. Le plus souvent l’individu le fait dans la joie et la bonne humeur car il a des facilités et il y puise bonheur et épanouissement. En un mot, il met en route un système vertueux, sans nécessairement en être toujours bien conscient.
La « Compétence » est facilement cernable au cours d’entretiens car elle est qualifiable et souvent vérifiable par recoupement d’informations. Le « Talent », est beaucoup plus complexe à identifier. Pourquoi ? Parce qu’il dépend de la nature profonde de chaque être humain.
Le « Talent », est beaucoup plus complexe à identifier […] parce qu’il dépend de la nature profonde de chaque être humain.
Imaginez un instant qu’une personne développe des savoirs et des savoir-faire en finance et qu’elle s’aperçoive au bout de 5 ou 10 ans de vie professionnelle qu’elle est usée et n’en peut plus. Alors elle s’interroge sur ce qu’elle veut vraiment faire de sa vie. Il n’est pas rare qu’on s’aperçoive alors que ses choix d’étudiant se trouvaient à l’opposé de sa manière profonde de penser et d’être. Deux exemples que j’ai rencontrés peuvent illustrer notre discours :
Le premier est celui d’un jeune homme de 25 ans, sorti d’une des grandes écoles de commerce françaises (Top 5), qui avait choisi sa spécialisation en Fusion/Acquisition et Private Equity. Il ne comprenait pas pourquoi, alors qu’il avait fait de nombreux stages réussis dans cette voie, toutes les portes de Paris, Francfort et surtout Londres lui restaient obstinément fermées. Ses compétences étaient indéniablement au niveau, mais ses talents, eux, étaient aux antipodes…
Finalement, il a fini par se lancer dans une startup dans le domaine de la santé. Son métier est maintenant en parfaite adéquation et en harmonie avec sa manière de penser et d’être.
Le deuxième exemple est celui d’un homme d’âge mûr proche de la retraite, major d’une des plus grandes écoles d’ingénieur françaises. Il avait fait toute sa carrière dans un univers dur, très rationnel et sans beaucoup de considérations pour les Hommes. Après avoir découvert ses talents sur le tard et à l’issu d’un séminaire de Comité Exécutif, il déclara :
« Je n’ai qu’un seul regret, c’est de ne pas vous avoir rencontré il y a 30 ou 35 ans. J’aurais probablement moins souffert professionnellement et été beaucoup plus heureux si j’avais osé faire confiance plus tôt à mon “talent d’or”. La bonne nouvelle, tout de même, c’est que je vais bientôt partir à la retraite et que je pourrai enfin utiliser ce précieux trésor au sein des Alumni de mon corps d’origine. »
J’aurais été beaucoup plus heureux si j’avais osé faire confiance plus tôt à mon talent d’or
Finalement, pourquoi les Universités et les Business Schools s’accommodent volontiers de l’amalgame entre “talent” et “compétence” ? Tout simplement parce que leurs outils de mesures psychométriques semblent insuffisants aujourd’hui. Ils datent du début ou du milieu du XXème siècle et les plus récents ne font que les copier, certes en les améliorant, mais sans changer les paradigmes binaire et comportementaliste sur lesquels ils ont été construits. Ils sont intéressants car ils permettent de sensibiliser les gens, mais ne répondent plus aux attentes du monde actuel, et encore moins de demain, qui a besoin d’allier le comportemental (observable) et la force de l’esprit, c’est-à-dire le visible et l’invisible des êtres humains.
Les DRH ont tous les moyens à leur disposition pour clairement identifier les compétences, les savoirs et savoir-faire au sein de leurs entreprises, et le big data peut grandement leur faciliter la tâche. Toutefois, de nouveaux outils pour identifier les talents existent grâce à la neuroscience et peuvent les aider à relever ce défi de mettre en adéquation les besoins de leur entreprise avec les compétences et surtout les talents de leurs collaborateurs.
De nouveaux outils pour identifier les talents existent grâce à la neuroscience